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18 juin 2018 1 18 /06 /juin /2018 11:01

La villa Mascotte

Quel délice de flâner dans les allées ronçoises en ce début de juin. Aucune âme qui vive, on se sent bercé par le chant des oiseaux. Soudain, venant de nulle part, surgit un promeneur qui vous interpelle et vous invite à rencontrer une inconnue qui va vous faire remonter le temps. Le hasard arrête nos pas devant la Mascotte. Cette villa ainsi baptisée depuis l’origine est habitée par Monique, sa propriétaire, qui veut bien la faire revivre pour notre plus grand plaisir en nous racontant l’histoire de la famille Crombez, commerçante à Ronce.

La villa Mascotte est construite à droite sur le chemin qui menait à la Louisiane
La villa Mascotte est construite à droite sur le chemin qui menait à la Louisiane

La villa Mascotte est construite à droite sur le chemin qui menait à la Louisiane

La construction de la villa Mascotte date probablement des années 30. C'est une parmi les plus anciennes de l'allée Gabrielle. Elle se situe à une encablure de la Louisiane. Ses fondations ne sont pas d’une grande stabilité car elle a été construite sur le sable.  Dans le sous-sol se trouvent un garage et une cuisine, les chambres étant à l’étage, le tout sur un agréable terrain d’environ 300 mètres carrés. Des commodités ont été rajoutées sur le coté au cours du temps.

la Mascotte en 2018 au bout de l'allée Gabrielle

la Mascotte en 2018 au bout de l'allée Gabrielle

La villa a d’abord été la propriété de Madame Reaud. Il y aurait eu un autre propriétaire avant que la famille Crombez s’en porte acquéreur au début des années 60 alors qu’elle tenait encore son épicerie.

Gaston et Denise Crombez

Gaston et Denise Crombez

 

Les Crombez s’implantent à Ronce. L’épicerie.

En effet, au début des années 40, Denise et son mari électricien Gaston Crombez quittent Roubaix  pour rejoindre Ronce. Ils achètent à Monsieur et Madame Gaudit l’épicerie située dans la dernière case de l’ensemble commercial créé par Camille Daniel donnant sur l’allée Gabrielle. Ils appellent cette épicerie « Aux Gourmandises de l’Océan ». 

 

Denise derrière son comptoir et en famille devant l'épicerie.
Denise derrière son comptoir et en famille devant l'épicerie.

Denise derrière son comptoir et en famille devant l'épicerie.

Les Crombez, et d'autres figures de Ronce, les Deola, Colette Jagou et Marcelle Rully se retrouvent souvent à La Chaumière où Denise adore danser.

Denise Crombez

Denise Crombez

La Chaumière un jour de bal

La Chaumière un jour de bal

Un petit bar, baptisé par ses habitués « le mal assis » voit le jour derrière l’épicerie. Après quelques années l’établissement est mis en gérance. Les Crombez tiennent alors un commerce à Eymet en Dordogne. Quand ils retrouvent Ronce, ils réhabilitent leur affaire en laissant tomber progressivement l’épicerie au profit du bar qu'ils tiennent jusqu’au début des années 70. Ensuite, le nouveau propriétaire, Monsieur Archambeau,  le nomme  le petit Ronce. (voir l’article  « les grandes heures du petit Ronce »)

 

Monique découvre Ronce

Pendant l’occupation, la gestion des bons de rationnement augmente substantiellement le travail de l’épicerie. C’est la raison pour laquelle Denise sollicite l’aide de Céleste (Marie), sa belle-sœur, et de Monique, sa nièce, elles aussi originaires du Nord.

Livraison du lait à l'épicerie Crombez

Livraison du lait à l'épicerie Crombez

Monique, qui a alors 13 ans se souvient que les journées commençent dès potron-minet avec la livraison du lait et la préparation des commandes. Elle garde en mémoire la pause de 2 heures que lui octroie sa tante. Ce laps de temps lui permet de rejoindre une bande d'amis qui loge dans la villa Maumusson où séjourne la famille Daum, entrepreneur en ferronnerie. Elle garde un souvenir précis du lieu de rendez-vous près d'un puits qui existe toujours et de l'accueil de la maitresse des lieux.

Le puits, lieu de rendez-vous pour Monique et ses amis
Le puits, lieu de rendez-vous pour Monique et ses amis

Le puits, lieu de rendez-vous pour Monique et ses amis

 Le bar étroit est fréquenté par des clients hauts en couleur dont Pipitte et le Marquis sont les personnages les plus emblématiques. Un témoin digne de foi de ces années 60 relate une tournée des « grands ducs »  dans les bars. Son point de départ est le bar de Gaston puis celui de La Poste et du Grand Chalet. Il se continue chez Goulé, « Au clair de lune », et à la Frégate pour s’achever à la Vielle Auberge et au Petit Navire. Le fils de Pipitte rend de grands services à Ronce car il est le seul à livrer les bouteilles de gaz qui prennent place dans une remorque de sa conception accrochée à son vélo. Monique garde de bons souvenirs du Marquis, ostréiculteur et pécheur. Ce dernier l’invite quelquefois à pêcher car il a constaté que lorsque elle est présente la pêche est  "miraculeuse". 

Le bar donnant sur l'allée Gabrielle a remplacé l'épicerie

Le bar donnant sur l'allée Gabrielle a remplacé l'épicerie

Pipitte un des clients et Gaston derrière le comptoir de son bar
Pipitte un des clients et Gaston derrière le comptoir de son bar

Pipitte un des clients et Gaston derrière le comptoir de son bar

La vie de Monique n’est pas un long fleuve tranquille.

Après ses séjours ronçois Monique retrouve le Nord et sa ville natale Saint-Amand-les-eaux où son père tient un commerce d’électricité. La famille paternelle  est bien implantée dans cette station thermale déjà très prisée à l’époque romaine. C’est dans cette cité que son grand-père pharmacien a mis au point des traitements dépuratifs et le pipi cure. Quant à son grand-père maternel il est tombé au champ d’honneur en 1915.

Traitement inventé par le grand-père de Monique

Traitement inventé par le grand-père de Monique

Ses parents Jean-Baptiste Cattet et Marie Crombez, tous deux originaires de cette petite ville, s’y sont mariés en novembre 1923. Leur fille Monique a vu le jour en 1930 et y a reçu une éducation chrétienne. Saint-Amand-les-eaux s’est fait connaitre à la France entière quand en 1962 elle parvient en finale de la première édition d’intervilles contre Dax. Cette année il n’y eut pas de retransmission du Tour de France et cette émission, inspirée d’un jeu italien, créée par Guy Lux est venue combler la frustation des amoureux de la petite reine.

Jean et Céleste Cattet, les parents de Monique et la photo de sa profession de foi
Jean et Céleste Cattet, les parents de Monique et la photo de sa profession de foi

Jean et Céleste Cattet, les parents de Monique et la photo de sa profession de foi

Un cruel destin attend la famille à la fin de la guerre : une bombe tombe sur le commerce familial, larguée par un aviateur anglais qui effectuait sa dernière sortie. C’est la seule maison détruite. La famille est ruinée. A 17 ans Monique se marie avec Roland Guérin de 14 ans son aîné. Neuf mois plus tard, Sylvie vient au monde. Le couple s’installe à Paris que Monique découvre avec émerveillement, subjuguée par les grands magasins. Au bout de cinq ans ils se séparent.

Après son divorce elle revient vivre dans le Nord et pendant quelque-temps sa vie n’est pas rose.  "J’avais peu d’argent, dit-elle, sur les 15000 francs gagnés mensuellement il fallait en sortir 9000 pour le loyer. Aussi la cuisse de lapin-frites que je m’offrais en extra le premier dimanche du mois à 1,10 francs avait une saveur toute particulière" 

Monique à l'âge de 17 ans

Monique à l'âge de 17 ans

Mais Monique n’est pas une femme à se laisser abattre, les coups du sort la rendent plus forte. Aussi, en 1954 quand les américains rejoignent des bases militaires françaises elle est embauchée par l'entreprise de lessive TIDE. D’abord elle fait du porte à porte, puis devient rapidement chef de service et inspectrice adjointe. Elle reste 15 ans dans cette société. Elle travaille également pour la commercialisation d'une marque de chocolat et pour le savon Cadum. Elle pose aussi pour des photos publicitaires et fait un peu de mannequinat. C’est effectivement une très belle femme qui ressemble  à s’y méprendre à Ingrid Bergman.

Monique a quelque chose d'Ingrid Bergman
Monique a quelque chose d'Ingrid Bergman

Monique a quelque chose d'Ingrid Bergman

Monique travaille une quinzaine d'années pour le groupe qui commercialise la lessive TIDE
Monique travaille une quinzaine d'années pour le groupe qui commercialise la lessive TIDE

Monique travaille une quinzaine d'années pour le groupe qui commercialise la lessive TIDE

Sa carte professionnelle

Sa carte professionnelle

Pendant ces années, la mère de Monique vient s’installer à Cambrai où elle tient un commerce de confection pour dames.

La maman de Monique devant son commerce  a Cambrai.

La maman de Monique devant son commerce a Cambrai.

Monique reste seule pendant 15 ans « les plus belles années de ma vie à sillonner la France confesse-t-elle », puis elle se remarie avec un professeur de sport et international de hockey sur gazon, Jean Seguy.. Ce dernier a participé aux Jeux olympiques de Rome en 1960. Ils vivent à Lyon et prennent en 1989 la Mascotte en viager à Denise et Gaston.

Triste décennie  : Gaston décède en 1990 , Denise en 1991, 8 mois plus tard et Jean en 1998.

Gaston et Denise Crombez à la retraite dans la villa Mascotte
Gaston et Denise Crombez à la retraite dans la villa Mascotte

Gaston et Denise Crombez à la retraite dans la villa Mascotte

Retour à Ronce

Monique vient à son tour habiter cette maison. A 88 ans  elle conduit toujours sa voiture 407 Peugeot gris métallisée qu'elle possède depuis 15 ans.  Elle vit paisiblement entourée de chats, de petits oiseaux, et de ses amis. Elle peut compter également  sur David Pouponnaud  à l'origine de notre rencontre. Ce peintre et poète de la presqu’île d’Arvert, dont les sculptures embellissent La Tremblade, réside 35, allée des écureuils à Ronce pas loin de la villa Mascotte.

David Pouponnaud et Monique Cattet devant la Mascotte

David Pouponnaud et Monique Cattet devant la Mascotte

Monique se trouve bien à Ronce les bains.

Monique se trouve bien à Ronce les bains.

Quant au Petit Ronce, en mars 2017 il a été repris par Romain et Florence, la gérante, qui ne connaissaient  de Ronce que son feu d’artifice et sa grande roue vus de l’île d’Oléron. A la recherche d'un commerce ils ont eu le coup de foudre pour l’emplacement et la station balnéaire. L’affaire a été conclue en deux heures et les nouveaux acquéreurs ne regrettent pas leur choix. Ils l'ont appelé Le Little Ronce pour lui donner une touche british et plus moderne. Leur ambition est de continuer à cultiver la convivialité qui ne s'est jamais démentie depuis la création du bar chez Gaston.

Le Little Ronce et ses nouveaux acquéreurs Florence et Romain
Le Little Ronce et ses nouveaux acquéreurs Florence et Romain

Le Little Ronce et ses nouveaux acquéreurs Florence et Romain

                                                                                                   Daniel Chaduteau

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