Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 juillet 2010 5 02 /07 /juillet /2010 09:05

                                             Las Vegas à Ronce les Bains.

 

 

     Ce titre accrocheur pourrait laisser attendre que l’argent coule à flot à l’extrémité de la presqu’île d’Arvert. Qualifié maintenant de  Côte de Beauté, le littoral ne s’appelait-il pas  Côte d’argent  comme l’atteste le nom d’un des plus vieux restaurants de Ronce avenue Gabrielle?   Une de ses  plages les plus fameuses  ne se nomme-telle pas plage du Galon d’or ? En outre depuis deux ans et demi la station n’a-t-elle pas recouvré un  casino ?  Avant sa disparition, le premier établissement  qui constituait l’un des bâtiments de l’ensemble Grand Chalet au début du XXème siècle, n’avait-il pas largement participé à sa réputation ? Or il n’en est rien. Il n’existe aucun rapport avec les hôtels grandioses de la scintillante cité de l’état du Nevada  à la sulfureuse notoriété, bien au contraire.

  grand chalet (13)

                                                Le premier casino de Ronce:  le casino du Grand Chalet

 

  C’est un beau roman, c’est une belle histoire…


    L’histoire de Jacques et d’Annie Fieulaine débute comme un conte. Il était une fois un jeune homme de dix huit ans originaire du département de l’Aisne dont les parents étaient forains, propriétaires d’un manège  à sensations fortes pour l’époque, appelé chenille. Il était une fois une frêle jeune fille blonde de seize ans du même département dont les parents étaient également forains. Ils possédaient une balançoire, un manège d’enfants et une friterie.  

    Annie retrace leur première rencontre comme si elle s’était passée la veille. Un jour donc, le beau Jacques, sans doute alléché par les bonnes odeurs de cuisine, est venu  comme n’importe quel client acheter une part de frites. Aussitôt son charme et sa stature d’athlète   ne la laissent pas indifférente. Seulement, pour son père qui ne badine pas avec l’amour en ces années  soixante où tous les adolescents écoutent à 17 heures l’émission culte d’Europe numéro1 Salut les copains sur leur transistor en plastique, il n’est pas question d’adresser la parole à un garçon, encore moins de flirter avec lui. Un premier rendez-vous galant a lieu cependant aux fêtes de Noyon dans l’Oise, ville où Charlemagne et Hugues Capet ont été sacrés rois des Francs. Mais Jacques qui vient, comme dans la chanson de Pascal Sevran, d’avoir dix huit ans se doit d’honorer ses obligations militaires. Il est affecté en  Allemagne, y reste dix huit mois.

   Malheureusement suite à un malentendu, l’échange épistolaire des jeunes amoureux tourne court. Néanmoins lorsque l’élève gradé quitte l’armée et revient au pays de son enfance, leur relation reprend des couleurs. Mais on ne peut pas dire qu’elle enchante leur famille respective en sorte qu’ils devront attendre  qu’Annie soit majeure,  c'est-à-dire  qu’elle ait  vingt et un ans, avant de  pouvoir convoler en justes noces.

 

  Le roi de la bricole.


    Le père d’Annie dispose d’un vieux camion que Jacques transforme en caravane de trois mètres cinquante. Excellent  bricoleur, il invente un des premiers lits escamotables pour gagner de l’espace habitable.  Son U 23 Citroën  tire une remorque qu’il a fabriquée pour y installer une boutique à frites. Plus tard, sur un grand camion de marque Berliet, il confectionne une loterie de poupées avec ses  tickets à dérouler, les fameuses papillotes. Annie, elle, tient une confiserie. Le couple qui, maintenant travaille depuis une dizaine d’années se voit  propriétaire de cinq métiers,  terme spécifique des forains pour désigner leurs spécialités. Il n’a plus une minute à lui  car, chaque semaine, il doit monter et démonter plusieurs tirs et manèges dont une montagne russe, tout en élevant ses deux  enfants Valérie et Frédéric nés avec seulement deux ans d’écart. La place années 50.Au fond, les manèges.

                    Vue aérienne de la place Brochard dans les années 50. Au centre on aperçoit les manèges

 

 Une longue tradition familiale.


     En 1976, la famille Fieulaine rejoint Ronce les Bains et va succéder  à leur oncle Albert  et leur tante Edith Fourré qui, déjà depuis  le début les années cinquante, ont investi la Place Brochard où ils ont installé pour la saison estivale un tir, une loterie et des balançoires.  Suzon est le surnom donné à Edith après la guerre par les soldats de la base de Rochefort. Ceux-ci qui cherchent à la complimenter pour sa gentillesse l’appellent ainsi en référence à la célèbre serveuse de la chanson la Madelon de même consonance. Pour les remercier, la tante, flattée, a l’idée de nommer son tir Suzon. Les as de la gâchette sont à même avec les carabines 22   long rifle de faire un carton ou de tirer pour crever des ballons en mouvement perpétuel.   Albert qui s’occupe des balançoires, bateaux en bois aux longues tiges en fer dans lesquels on loge à plusieurs, a, comme sobriquet, Bébert le monte en l’air.

 

 Sur la place, une place pour chacun et chacun à sa place.


    Sur la place Brochard, ils ne vont animer que le tir Suzon qui jouxte à droite la confiserie Nivet  et à gauche les baby-foot, bowlings et autres flippers sans oublier le rutilant juke-box de la baraque de Monsieur Beneteau et de  Monsieur Lérin son successeur. De l’autre côté de la place à gauche, on trouve une friterie, le billard japonais de Monsieur Archambeau, le manège d’enfants de la famille Cochard, le tir à bouchons et les balançoires du père Galesio personnage haut en couleur, qui, la casquette de marin vissée sur la tête et le bandeau sur l’œil, ressemble à un des héros tout droit sorti du roman de Stevenson, L’île au trésor.

     Pour occuper leurs jeunes enfants, ils leur confient, posés sur des tréteaux deux « virolets », espèce de petites roues de la fortune appartenant à leur grand-père maternel. A chaque fois qu’ils récupèrent quelques pièces, fruit de leur présence et de leur labeur, ils vont les dépenser en bonbons, «  niniches », sucettes chaudes, glaces ou autres friandises chez le confiseur voisin. Avant guerre. La place Brochard complètement ensablée.

                                              Avant guerre. La place Brochard est complétement ensablée

 

 Les galères face à la mer.


     Au début, la place n’est pas empierrée encore moins goudronnée. Les forains éprouvent les pires  difficultés pour s’installer. Ils ont recours à des planches pour éviter que les roues de leurs  véhicules ne s’enlisent ; de plus la clôture en béton de l’entrée ne laisse que peu de marges pour manœuvrer. Enfin, lorsque dans les années 80 on procède à l’abattage des vieux marronniers pour  planter des  platanes, Monsieur Fieulaine qui a changé de côté pour des raisons techniques et qui se trouve à l’emplacement occupé autrefois par la Maison de la presse demande expressément aux services de la mairie de veiller à écarter suffisamment les arbres pour pouvoir loger les remorques. Un autre muret avec fusains dans lesquels des couleuvres aiment à se lover  délimite, au nord-ouest, la frontière entre les attractions traditionnelles de la place Brochard et l’ancien club de voile. La place années 80.L'allée de platanes nouvellement repla

                             Années 8O. Les platanes ont remplacé les marronniers Place Brochard

 

 Le tir Suzon.


    Au tir Suzon, les nombreux estivants qui tentent de gagner les superbes poupées ou peluches mises en lot gages de leur adresse ignorent sans doute que quand ils visent la perdrix avec une carabine à flèches, ils ont sous les yeux un mécanisme d’une grande rareté (deux exemplaires en France) et donc d’une grande valeur vu qu’il a été conçu il y a plus de cent ans. Le jeu consiste à faire tomber les têtes des perdrix redressées par une grande tige en bois. Ces oiseaux ont un plumage  peint en roux cendré. Ils ont  la taille de vraies perdrix  montées deux par deux sur une grande chaîne qui revient à l’envers  si bien  qu’on a l’impression de participer à une véritable chasse. Plus tard,  vu que le tir à balles  est considéré comme potentiellement dangereux, on l’interdit. Aussi le tir Suzon se transforme t-il progressivement. Il devient-il le Las Vegas, lui-même remplacé en 2000 par un conteneur à jeux en cascades qui porte un nom similaire. Le jeu en cascades Las Vegas.

                                                    Le premier conteneur. On se croirait à Las Vegas

 

 Souvenirs ! Souvenirs !


      Parmi leurs souvenirs, l’un des plus marquants est  l’irruption violente d’un orage qui a tout fait disjoncter. Le muret en béton a explosé (on en a retrouvé des morceaux dans les dériveurs du club de voile) quand la foudre est tombée sur l’un de ses piquets en fer à  T provoquant sur vingt centimètres une boule de feu effrayante et  fascinante à la fois. Avant que l’Office de tourisme ne devienne municipal - il s’appelle alors Syndicat d’initiative - les forains,  les commerçants et quelques estivants bénévoles organisent chaque semaine des bals.   Deux gardes, sorte d’appariteurs, veillent chaque jour à la sécurité des personnes jusqu’à minuit et n’hésitent pas à infliger des amendes plus ou moins justifiées aux contrevenants. Jacques se souvient également avoir remis la coupe des forains aux  vainqueurs des régates programmées par François Patsouris. La place années 70. A gauche,un appariteur.Derrière lui,

          La place Brochard  avec ses marronniers dans les années 7O. Derrière l'appariteur, la maison de la presse

 

  Forts comme des Turcs ?


   Aujourd’hui le couple et ses deux enfants exploitent, en plus du Las Vegas, un tir et un dynamomètre qui, comme son nom l’indique, permet aux jeunes mâles devant un public féminin prêt  à s’enflammer de tester leur force musculaire en frappant dans une espèce de punching-ball. Ces jeunes éphèbes ou supposés tels ignorent sans doute que l’ancêtre de ce divertissement a vu le jour à la fin du XIXème siècle et qu’il est à l’origine de l’expression française tête de turc synonyme de souffre-douleur ou de bouc émissaire. En effet dans les foires on mesurait de la même façon sa force en cognant le plus violemment possible sur une partie figurant une tête de turc coiffée d’un turban pour stigmatiser les représentants de l’Empire ottoman.Années 2000.Vue aérienne de la place Brochard à droite.

         Années 2OOO. A droite la place Brochard.Le Las Vegas est le conteneur blanc à gauche de la rangée d'arbres

 

 Qu’on est bien à Ronce les Bains !


    Forain vient d’un mot d’origine latine qui signifie étranger. S’il y a une famille foraine ayant exercé quasiment tous les métiers qui se sent particulièrement bien intégrée à Ronce, c’est assurément celle de Jacques et d’ Annie Fieulaine qui y vivent, trois mois durant,  comme des poissons dans l’eau depuis trente trois ans. Et comme leurs enfants prennent leur suite et que pour le moment, ils ne songent pas  à partir en retraite, on n’a pas fini de parler du Las Vegas. Jacques et Annie Fieulaine devant leur nouveau Las Vegas.

                                      Jacques et Annie Fieulaine devant leur nouveau Las Vegas

 

  Cette distraction ressemble par bien des aspects, ses lumières multicolores, l’emploi de jetons par exemple, à son homonyme, la  capitale mondiale du jeu. Mais Jacques et Annie n’ont pas suivi la pratique en vigueur  à Las Vegas qui offre la possibilité  de divorcer en une seule journée, parce qu’ils vont fêter leur 45ème anniversaire de mariage.

       

                                                                               Daniel Chaduteau       26 février 2010

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 11:43

 

                                  La Louisiane : propriété Dières et d’aujourd’hui.

 

     A l’époque où la station balnéaire de Ronce-les-Bains était aux trois quarts boisée, le promeneur, qui désirait rejoindre le Mus de Loup dans les petits matins pâles et brumeux, empruntait un chemin rectiligne et majestueux. Le soleil naissant jouait à cache-cache dans les arbres dont les branches enchevêtrées formaient une tonnelle naturelle égayée par le chant des oiseaux, à peine troublé par le ronronnement lointain des moteurs de bateaux. Ce chemin au goût de paradis perdu longeait la propriété privée appelée La Louisiane, un de ces lieux mythiques, qui intriguent, font rêver et enflamment l’imagination.

 

La-louisiane 0027

                      L' ancien chemin ombragé qui longeait la Louisiane  est devevu l'avenue de Mus de Loup

 

      Un nom exotique et évocateur.

     On peut comprendre que celle-ci ait fasciné des générations de vacanciers ou d’autochtones tant elle se singularise par sa superficie, son emplacement, son aspect sauvage et mystérieux, son histoire, son nom qui évoque au XVIIème siècle un territoire français immense qui regroupe actuellement plus d’une dizaine  d’états américains. Baptisée en 1682 par l’explorateur Cavelier de la Salle en l’honneur du roi Louis XIV, La Louisiane sera vendue par Napoléon Bonaparte en 1803. Coïncidence ou volonté délibérée, quand il s’en porte acquéreur en 1872, Georges Dières Monplaisir, négociant, donne le même nom au domaine pour rendre hommage à son père Louis Georges et à sa mère Louise. Il est possible également que la Seudre qui le borde à son embouchure lui ait fait penser au Mississipi.

 

Vue aérienne de la Louisiane au premier plan le brise-lame

        Vue aérienne de la Louisiane. Au premier plan, le brise-lame puis la partie boisée.Au fond à droite les prés

 

 

       Son père ou peut-être lui-même possède des vignes à Ronce. Il a déjà fait construire une cabine de bains sur une partie du bord de mer qui lui appartient. La cabine de bains sans doute la plus ancienne constructio

                La fameuse cabine de bain, sans doute une des plus anciennes constructions de Ronce.


  En achetant à Monsieur Viaud, à la bougie, un terrain endigué d’environ dix hectares d’un seul tenant lieu dit « La pointe aux herbes » qui jouxte le sien, il agrandit substantiellement sa propriété. Georges, son épouse et ses trois enfants Georges, Jeanne et Joseph s’installent définitivement à la Tremblade où naît sa seconde fille Lucie. Puis sur son domaine ronçois nouvellement acquis, il entreprend l’édification d’une grande maison flanquée d’une tour carrée crénelée. En 1875 vient au monde dans cette demeure au rez-de- chaussée côté Seudre sa dernière fille Marie.

 

louisiane (1)

  Cette splendide demeure  bâtie  en 1875 avec sa tour crénelée reste le trait-d'union de tous les membres de la famille

 

   A la fin du XIXème siècle, Georges participe avec Monsieur de  Saint Martin au développement de Ronce créée en août 1860. La station n’étant pas pratiquement pas boisée, il ensemence les dunes de pins et d’oyats. On raconte que les deux amis, du haut de leur tour respective (les deux chalets distants d’un peu plus d’un kilomètre ont cette particularité architecturale) peuvent communiquer en se faisant des signaux.  Georges Dières Monplaisir, avec l’aide de son fils Joseph, décide également en 1889 l’édification d’un brise-lame plus pour retenir les dunes friables que pour lutter contre les assauts de l’océan. Il décède en 1905.

 

une des plus anciennes publicités de Ronce conçue comme c

          Ce timbre vantant la station réalisé par G. Dières (G. Dier pinxit) est l'une des publicités les plus anciennes

 

    Des aïeux d’origine irlandaise.

  1645. Le Chevalier O’Dwyer constatant que l’Irlande va être victime de la politique de Cromwell et de son fanatisme renvoie ses deux fils Marin et Pierre en France pour qu’ils y soient en sécurité. Ils arrivent en Normandie. Marin devient médecin major dans un régiment de Louis XIV et va franciser son nom. O’Dwyer devient Dière puis plus tard Dières, le patronyme définitif. Gravement blessé, il est soigné et hébergé par le chirurgien Goguet. La fille de ce dernier Marie, spirituelle et d’une grande beauté, ne le laisse pas indifférent. Alors il ne tergiverse pas et demande sa main à son bienfaiteur dans un style précieux empreint d’élégance : « Monsieur, vous m’avez sauvé la vie. Mettez pour toujours un comble à sa félicité en m’accordant la main de votre fille Marie ». Une tante de Marie a épousé le conseiller Scarron dont l’un des fils fut le fameux poète burlesque auteur du Virgile travesti. Goguette vient d’un ancien mot français gogue signifiant réjouissance. L’expression familière « être en goguette » veut dire être disposé à s’amuser, à faire la fête. Scarron se fait un plaisir de jouer sur les mots. Se rendant dans sa famille maternelle pour y passer des soirées distrayantes, il est doublement en goguette. En 1682, Pierre, le dernier des sept fils de Marin et Marie Dières, rallie La Rochelle chez ses grands parents. Il est secrétaire de l’intendant de la Rochelle, Monsieur de Begon, et décide de se fixer à Rochefort où la famille Dières fait souche, chacun des descendants devenant commissaire de la marine de père en fils.

    En 1757 le ministre de la marine exigeant que les deux commissaires de la marine, portant le même nom Dières et le même prénom Pierre, se différencient, l’un d’eux rajoute à son nom Monplaisir reprenant l’appellation d’un domaine qu’il a acheté près de Saintes.

 

Promenade dans la propriétéau début du XXième siècle

                                             Promenade en calèche dans la propriété au début du siècle dernier

 

    La Louisiane : un lieu de villégiature à problèmes.

Parmi les très nombreux descendants, Jacques Givelet, qui dans les années soixante fut en même temps le Président de l’Association syndicale des propriétaires riverains pour protéger le brise-lame et trouver son financement, le Président du Syndicat de la propriété bâtie et le fondateur d’une Association paroissiale, dans un de ses ouvrages relate avec émotion des souvenirs de sa jeunesse à La Louisiane : « On  arrivait de La Tremblade par l’omnibus de Coudin avec ses ridelles rouges et blanches. Le boulanger venait dans sa carriole à grandes roues apporter le pain, la viande et les commissions qu’on lui avait commandées. On vivait très bien sans  eau courante, sans gaz, sans électricité, ni fosse septique mais on passait des vacances merveilleuses à l’époque où Ronce-les-Bains n’était qu’une toute petite plage enfouie dans les pins avec quelques boutiques dans des baraques de bois ». 

 

louisiane (5)

                                                                             L'ancienne entrée de La Louisiane

 

 On le voit, les conditions de vie étaient spartiates et la mémoire des bons moments ne peut faire oublier les difficultés que devront affronter les différents membres de la famille.

Dans les années 20 en effet, en raison des pertes d’exploitation, on procède à l’arrachage de vignes. On coupe des pins, on vend des fûts. La famille fait apport à la commune de La Tremblade du sol de l’avenue Gobeau, du carrefour Dières Monplaisir et de l’allée qui mène à l’appontement qui assure la desserte de l’Ile d’Oléron et qui sera détruit en 1942 par les allemands. On vend également tout le terrain situé devant le portail actuel de La Louisiane.

Camille Daniel élabore avec Joseph Dières un gigantesque plan de lotissement pour développer Ronce. A la même époque, le brise-lame donne des signes de faiblesse. A la pointe aux herbes on doit en construire un nouveau en arrière du précédent.

En 1935 la situation financière est enfin assainie. On décide, pour protéger juridiquement et financièrement la propriété, de constituer la Société civile du domaine de La Louisiane.

 

   Un paysage d’apocalypse.

 Pendant la seconde guerre mondiale, les allemands occupent l’ancien centre de vacances  Rayon de soleil  devenu maintenant le Grand hôtel de l’embarcadère. Ils réquisitionnent pour leurs chevaux les écuries de La Louisiane. Arrive ensuite l’ordre de réquisition général de la maison. Bien peu d’objets ou de meubles vont échapper au pillage où à la destruction. Ajoutons que la levée sur laquelle les allemands font paître leurs chevaux et creuser des banquettes de tir a cédé, tant et si bien que la mer a envahi et anéanti prés, potagers et vergers. Dans l’urgence les vaches ont dû être vendues. Les allemands ont certes fait réparer la digue mais en prélevant la dépense sur l’indemnité d’occupation.

 

Comme si cela ne suffisait pas, l’armée française lors de la libération de la poche de Royan bombarde depuis Marennes La Louisiane qui est fortement endommagée. Des mines jonchent bois et prés, les pins sont décapités par les obus. La Louisiane offre aux membres de la famille qui reviennent, une fois la guerre finie, un spectacle de désolation. En revanche son état délabré attise la convoitise de certains qui flairent la bonne affaire. Mais la famille fait front. Un plan de partage répartit logements, la petite maison et les terrains du bord de mer entre les quatre branches issues des quatre enfants de Georges et de Marie Abelé de Muller : Georges, Jeanne (épouse Heidsieck), Joseph et Marie (épouse Givelet) (Lucie ayant choisi d’être religieuse.) Aussi les propositions de rachat indécentes sont-elles rejetées d’emblée.

 

La-louisiane 0011

                                         Comme le montre ce cliché, la guerre n'a pas épargné La Louisiane

 

    Joseph décide de contacter l’un de ses neveux, Xavier Dières Monplaisir agriculteur, en lui demandant s’il est d’accord pour remettre en état une propriété devenue une espèce de jungle impénétrable. En compensation la partie agricole lui reviendra et il pourra l’exploiter à son compte. La tâche n’est pas mince. On connaît par cœur les dix plaies d’Egypte envoyées par Yahvé pour convaincre Pharaon de laisser partir le peuple d’Israël. La famille doit, elle aussi, faire face à cinq plaies majeures. Il lui faut entretenir, maintenant que le terrain est déminé, le fossé d’évacuation des eaux de pluie de Ronce qui traverse La Louisiane, la levée et le brise-lame. Il lui faut lutter contre les termites, les moustiques, et cet arbuste à l’odeur nauséabonde, le vernis du japon, qui prolifère à vue d’œil. 

 

1951. Xavier et Jeannine Dières Monplaisir et leurs quatr

                                           1951. Xavier et Jeannine Dières Monplaisir avec leurs quatre enfants

 

    La propriété renaît malgré les vicissitudes.

   En 1951 Xavier Dières, sa femme Jeannine et ses enfants Nicole, Georges et Bernard s’installent dans le logement de la tour où rien n’a été aménagé et où les infiltrations d’eau sont légion. Aidés par les autres branches de la famille, les Xavier Dières grâce à leur courage et leur abnégation vont progressivement ressusciter La Louisiane. Monique, leur seconde fille et sa sœur Anne née huit ans plus tard peuvent se targuer d’avoir été mises au monde comme leur grand-tante dans la demeure de leurs ancêtres. 

Xavier Dières élève des poulets dans les années 50

                                                          Xavier élève des poulets dans les années 50


Monique malgré son jeune âge aide son père

                                                            Monique malgré son jeune âge aide son père

 

   Xavier construit des poulaillers et élève des poulets. Il vend ses œufs frais aux commerçants de La Tremblade et de Ronce, par exemple à la confiserie Lopez réputée déjà pour la fabrication de ses glaces artisanales, à la charcuterie Bricou célèbre pour son petit cochon en bois qui trône devant le magasin. Il achète des poussins d’un jour qu’il met sous des éleveuses alimentées par deux poêles à charbon qui fournissent aux cinq cents  poussins juste éclos la chaleur nécessaire à leur développement.  Pour rehausser la couleur du jaune d’œuf il donne des carottes à manger à ses poules. Dans les poulaillers, elles picorent aussi des brisures de coquilles d’huitres ce qui leur permet de solidifier leur propre coquille. Les copeaux de bois offerts par Monsieur Berteau, menuisier avenue de Beaupréau, absorbent les fientes des gallinacés.

    Jusqu’en 1955, il prendra le bac de la Tremblade et parcourra à vélo quarante kilomètres aller et retour pour rallier St Just-Luzac en tirant une carriole fabriquée maison pleine de poulets. L’achat d’une Juva 4 va sensiblement modifier ses conditions de travail. Il entreprend la construction d’une ferme. Malheureusement les épreuves ne vont pas épargner cette famille. Xavier, qui tombe malade en 1960, se voit dans l’obligation d’engager un fermier.  Contraint de quitter La Louisiane, il emménage avec sa famille dans la maison Raymond à trois cents mètres de la maison mère. Cinq ans plus tard, c’est son fils Georges qui disparaît, victime d’un accident de voiture. Xavier Dières Monplaisir abandonne l’élevage de poulets, et acquiert un troupeau de vaches laitières. C’est la laiterie Loti de Royan qui lui achète sa production. Puis, en 1970, la maladie a raison de lui. Le fermier étant parti, Jeannine se retrouve seule avec ses quatre enfants. Elle ne se laisse pas abattre par l’adversité.  Comme les prés de La Louisiane sont en dessous du niveau de la mer, la zone est humide et l’herbe toujours verte. Elle vend donc son troupeau de vaches laitières pour prendre des vaches à l'embouche pendant une dizaine d'années.

 

louisiane (38)

                                        Quelques -uns des 500 peupliers repiqués par Jeannine en 1982

 

 De plus, cette femme énergique repique en 1982 cinq cents peupliers tous détruits par l’ouragan de 1999. Aujourd’hui, tout en jardinant, de sa maison la Hunaudière juchée sur la dune, elle contemple l’immense perspective de l’avenue de Beaupréau imitant le grand père Georges qui scrutait à la longue vue du haut de la tour de La Louisiane celle de l’avenue Gabrielle.

 

      La saga continue.

Au moment où l’on va célébrer le cent cinquantième anniversaire de Ronce, il est bon de rendre hommage à cette famille qui, avec d’autres bien-sûr, a œuvré génération après génération pour le rayonnement de la station. En 1972 une centaine de personnes s’est retrouvée pour fêter le centième anniversaire de la Louisiane qui, au début, s’étendait de l’allée des Courlis jusqu’à l’actuel Ifremer. Gageons que, pour le cent cinquantième en 2022, ils seront plus nombreux.

 

le blason de la famille Dières Monplaisir dans l'église d

                              Le blason de la famille Dières Monplaisir visible dans l'église de La Ttemblade

                                                                       

 De toute façon le blason des Dières Monplaisir (de gueules à un lion d’argent passant sur un pont de même) sculpté dans la pierre du chapiteau du pilastre gauche de la chapelle du transept droit de l’église du Sacré Cœur de la Tremblade est là pour rappeler que la famille reste attachée viscéralement à cette terre et qu’elle a participé à l’édification de ce lieu de culte voulu par l’abbé Barbotin.


                                          Notre Dame des Champs dans le jardin de la propriété

                                        La statue de la Vierge Notre-Dame de Champs n'a jamais quitté la propriété


 Elle a également offert gracieusement le splendide chemin de croix en bois et étain qui ornait l’ancienne chapelle de La Louisiane ; il est toujours visible dans celle de Ronce. Il paraît évident que la Vierge à l’enfant Notre Dame des champs, posée sur son socle dans le jardin depuis les origines de la maison, a contribué à la sauvegarde de La Louisiane. Jacques Givelet, auteur de nombreux ouvrages sur sa famille

                                                 Jacques Givelet, auteur de nombreux ouvrages sur sa famille

 

  « Les événements s’écoulent, les yeux qui les ont vus se ferment, les traditions s’éteignent avec les ans comme un feu qu’on n’a pas recueilli » dit Victor Hugo. Dieu merci, l’histoire de la famille Dières Monplaisir se perpétue grâce au travail remarquable de l’un de ses membres, Jacques Givelet qui nous a permis de replonger dans le Ronce de jadis. Quant à la tour de La Louisiane, elle n’a pas fini de servir d’amer à la famille et à tous les amoureux de Ronce-les-Bains.

 

 

                                                                                                        Daniel Chaduteau.  18 juin 2010

Partager cet article
Repost0
30 juin 2010 3 30 /06 /juin /2010 22:29

                                                          L’Ancre et la Plume.

 

 

     En ce début d’année 2010, voulant sans doute  tourner en dérision la conférence de Copenhague sur le climat et le réchauffement climatique, une vague de froid s’est abattue sur la côte de Beauté. Ronce les bains et la forêt de la Coubre avaient plus l’allure d’une station de sport d’hiver que d’une station balnéaire. Nous revenait alors en mémoire la chanson de Francis Cabrel Hors saison : «  C’est le silence qui se remarque le plus…. La mer quand même dans ses rouleaux  continue son même thème, sa chanson vide et têtue… . Le vent transperce ces trop longues avenues… » Un mois auparavant faisant écho à ces images, la vie d’un Ronçois s’en est allée.

 

    Un  marin attaché à sa terre.

     Julien Courtin, c’est de lui qu’il s’agit, est né exactement un mois avant que l’Allemagne ne déclare la guerre à la France et à la Belgique, le 3 juillet 1914 à La Tremblade. Alors qu’il n’a que onze ans, il doit quitter l’école, et va travailler dans les cabanes  pour gagner quelques sous. Devenu adolescent, il part à Arcachon, navigue six jours sur sept dans le golfe de Gascogne sur différents chalutiers.Julien servant dans la marine.Le nom Duplex est visible sur

                                           Julien Courtin.Sur son bonnet  de marin on aperçoit le nom du croiseur Dupleix

 

Ensuite, à 19 ans il satisfait à ses obligations militaires à Toulon à bord du croiseur Dupleix, bateau de guerre, qui, comme l’ensemble de la flotte, se sabordera en 1942. Son pays natal lui manque.  Aussi c’est avec beaucoup de plaisir et d’émotion qu’il retrouve les siens. Au bout d’une année, le jeune homme au caractère bien trempé ne supporte plus le travail dans les cabanes et encore moins les invectives dont il est la victime. 

  Le grand hôtel où Julien a travaillé et rencontré sa fu

                                                     Le grand hôtel où Julien va rencontrer sa future épouse

 

  Alors il exerce quelque temps le métier de cuisinier  à la Tremblade à la colonie de vacances La Clairière puis à Ronce au Grand Hôtel  aujourd’hui nommé Hôtel de l’Embarcadère. Ici, il fait la connaissance d une jeune parisienne de 17 ans  venue à Ronce travailler pour la saison. En novembre 1938, il l’épouse à Paris.

Julien et sa femme Nicette.

                                                                                                 Julien et Nicette

 

   Après sa démobilisation, avec l’élue de son cœur qui est tombée également sous le charme de la station, ils s’ installent comme locataires dans une maison située pas très loin du restaurant la Côte d’argent avenue Gabrielle nommée Laoulah. Suite à un dramatique incendie, ils doivent s’expatrier en compagnie de leurs trois enfants Roger, Jean et Paulette à Segonzac où, viendra au monde,  Françoise, la petite dernière. De retour à Ronce, ils logent de 1949 à 1955, à la villa  Caprice  avenue Gabrielle  à l’emplacement actuel du loueur de vélos  et de 1955 à fin 1959 allée d’Aunis à la villa Yvonne- Henri rebaptisée Et patati et patata.Villa Caprice où a logé la famille Courtin

                                                     Villa Caprice, avenue Gabrielle où a  logé la famille Courtin                                              


 

     Un partenariat exemplaire.

     Il est des rencontres qui déterminent toute une vie : celle fortuite avec le Comte de Luze en fait partie. Ce dernier n’est autre que le mari de Madame de Haviland dont la famille est propriétaire à Limoges  de l’une des plus célèbres entreprises de porcelaine connue dans le monde entier. En effet en 1842 David Haviland fasciné par l’or blanc du limousin quitte avec ses deux fils les Etats-Unis  pour rejoindre Limoges et crée une manufacture éponyme qui, encore maintenant,  a gardé la passion de l’art et du luxe.

    Le comte est propriétaire de la maison Marcella donnant sur la mer avant le Grand Chalet. Il adore pêcher et pour ce faire, il a acheté le Soumaille un bateau à moteur. Très vite il se prend d’amitié pour Julien Courtin qui a le double privilège d’être beaucoup plus jeune et beaucoup  plus expérimenté que lui. Il lui propose de mettre à disposition son bateau pour satisfaire sa passion et lui permet aussi d’en faire usage pour faire vivre sa femme et ses quatre enfants,  ce qu’accepte Monsieur Courtin. A gauche Julien en compagnie du Comte de la Luze.

                                       Julien Courtin en compagnie du Comte de Luze sur la plage de la Cèpe

 

      Du poisson frais toute l’année.

    Jules va ainsi pratiquer, pendant toute la durée de son activité, une pêche artisanale. De sa cabane postée juste après celle d’Isabelle, il peut récupérer les poissons prisonniers dans les nasses des deux courtines qu’il a disposées l’une en face de  la plage du Galon d’or, l’autre en face de celle de  Ronce.

  Dans les années cinquante la route touristique n’est pas encore ouverte, elle ne le sera qu’en 1960. Les plages du Galon d’or et de l’Embellie sont le domaine des pêcheurs qui, pour rallier ces lieux d’exception, sont obligés d’emprunter une piste à travers la forêt, s’ils possèdent un véhicule tout terrain ou parcourir, à pied bien-sûr,  le tracé rectiligne de l’ancienne voie de chemin de fer appelée communément  chemin des petits rails (actuelle piste cyclable).  La pêche aux couteaux et aux coques est très prisée ; mais ce qui enthousiasme le plus les enfants chaussés précautionneusement de sandales en plastique pour éviter de s’ouvrir le pied avec des bouts de ferraille, reliquats des blockhaus voisins, c’est, au moment où la mer s’est retirée, l’apparition magique de tous ces crabes, crevettes et  autres poissons pris au piège de l’inhumaine courtine. Le clou du spectacle est offert par les seiches, qui en se débattant, arrosent de leur encre noire les plus téméraires. Julien en train de pêcher à Ronce. Au fond l'île d'Olér

                                                                     Julien Courtin en train de pêcher

    Les poissons, soles, limandes, maigres, mulets, bars, rougets, anguilles… pêchés le jour même ou la nuit précédente sont souvent encore vivants sur les étals de l’avenue Gabrielle ou de la place des Roses quand  la famille Courtin les met en vente et font le bonheur des estivants et des restaurateurs de la station.  Julien, plus à l’aise financièrement,  achète  une annexe, une pinasse à laquelle il donne le prénom de sa femme Nicette I puis une autre Nicette II.  En 1960 sur un terrain acquis cinq auparavant, autrefois recouvert d’une belle vigne et donnant sur l’ancienne allée des tennis, il fait construire sa maison et y emménage avec toute sa famille. Il prend sa retraite en 1971 et reste toujours fidèle à son domicile ronçois jusqu’à sa dernière heure, entouré  de l’affection de ses filles dont le dévouement  n’a  jamais failli. J courtin 8

 

    Disparition d’un homme modeste.

     Monsieur Courtin nous a quittés un beau jour de décembre 2009. Avec fierté et précision, il se plaisait à dire : « J’ai passé quarante ans, six mois et quinze jours dans la marine. » Le hasard malicieux  a permis à cet amoureux de la mer,  propriétaire de la villa la Courtinière, allée des Algues, ça ne s’invente pas, de passer une retraite d’une durée similaire. Il était en droit d’affirmer comme le poète : «  Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombes et les ressacs et les courants … » et peut-être, le jour de son départ, aurait-il pu faire siennes comme ultime adieu à la terre les propos d’un autre comte, qu’il ne connaissait sans doute pas, auteur des Chants de Maldoror : «  Je te salue vieil Océan ! Vieil Océan, tu es le symbole de l’identité : toujours égal à toi-même. Tu ne varies pas d’une manière essentielle... Tu n’es pas comme l’homme qui s’arrête dans la rue pour voir deux boules-dogues s’empoigner au cou, mais  qui ne s’arrête pas quand un enterrement passe… »

 

        A notre tour on  te salue vieil ami de Ronce et de l’Océan !

 

     Une femme active à l’image de son père.

    Sa fille Paulette vient au monde à Ronce pendant l’Occupation. Elle fréquente l’école maternelle installée dans les maisons à Narcisse, appelées de nos jours Les Tennis, à côté du garage Arrivé, puis l’école élémentaire occupée  par le nouveau Casino. De  14 ans à 17 ans comme beaucoup d’adolescentes, elle cherche sa voie. Elle suit à Châteauneuf une année d’apprentissage pour devenir modéliste, puis espère intégrer la marine à Hourtin. Par correspondance, elle apprend l’anglais et la sténo dactylo en s’entraînant, un drap sur les mains sur sa machine à écrire Japy. Enfin elle monte à Paris où  sa tante qui est mécanographe lui trouve un emploi dans une compagnie d’assurances. Elle l’occupe pendant cinq ans avant de retourner à La Tremblade où elle donne naissance à ses quatre enfants, Rodolphe, Isabelle, Angelina et Jérôme. Paulette  a pour patron Monsieur Grapeloup. Elle gagne sa vie en vendant de la layette et des vêtements sur les marchés. Ce n’est qu’ en 1981 qu’elle trouve enfin un travail stable au supermarché d’Arvert qui vient d’être construit. Elle y occupe un poste d’employée pendant une vingtaine d’années jusqu’à sa retraite.

 

    Un esprit sain dans un corps sain.

       Mais Paulette, comme beaucoup, s’est surtout épanouie en dehors de sa vie professionnelle. C’est une sportive accomplie qui pratique le  judo et fait de la musculation. Elle s’intéresse parallèlement  la vie associative. Elle est  d’ailleurs 14 années durant, la présidente du club de judo  de La Tremblade et  toujours, depuis vingt ans, celle du club de musculation. GetAttachment[3]

                                 Debout à gauche,Paulette, présidente du club de musculation de La Tremblade

 

     Des personnes ressource.

        Toutefois le passe temps le plus cher à son cœur reste la poésie. Elle a tout juste quatorze ans quand elle écrit ses premiers poèmes, trouvant dans l’écriture un exutoire et une échappatoire  aux vicissitudes de son existence. Plusieurs personnes vont l’aider à concrétiser son rêve. En premier lieu, Jacqueline Vallognes, une vraie amie de trente ans. Un jour, en 1983, elle écoute par hasard une émission de radio. Une maison d’édition, la Pensée Universelle s’engage à publier les poèmes d’auteurs inconnus. Jacqueline donne l’information à Paulette et l’incite à saisir cette opportunité. Après avoir tergiversé, Paulette se décide finalement et envoie ses œuvres manuscrites à Paris. Elle est vraiment transportée quand elle apprend que le comité de lecture a retenu certains de ses poèmes. Mais comme le tirage  d’un recueil de poésie ne peut évidemment pas rivaliser avec celui d’un prix Goncourt ou d’un roman de Dan Brown, il se fait à compte d’auteur. En clair, la Pensée Universelle réclame à Paulette pour sa publication 15000 francs, somme d’argent bien au dessus de ses moyens. Cependant, deuxième coup de pouce du destin, Monsieur Daniel Babin, son patron, gérant du supermarché a vent de son histoire peu banale et  ce nouveau mécène lui avance 20000 francs. Paulette Courtin lors d'une exposition de ses oeuvres en ao

                                                   Paulette lors d'une exposition de ses oeuvres poétiques

 

       Un rêve comblé.

 Ainsi paraît en 1985 un premier livret titré Au cœur de la vie. Sur la quatrième de couverture on peut lire : « Le cœur débordant d’amour, Paulette Courtin parle de la nature de  ses rêves, chante la paix et la fraternité…N’est-ce pas là le cœur de la vie ? Le rêve et l’amour sont l’essence même de l’âme humaine et elle sait en parler avec des mots vrais des accords justes. » L’abbé Thomas, lui aussi, a  pressenti son talent et n’a pas hésité à diffuser assez régulièrement ses poèmes dans le journal paroissial La presqu’île d’Arvert.  Suivent plusieurs autres recueils La vie qui passe en moi, Côte sauvage et doux langage. Deux de ses  poèmes retiennent particulièrement l’attention et figurent dans l’anthologie Poètes sans frontières parue dans la nouvelle Pléiade en 2000. Titulaire de nombreux diplômes dans toute la France, elle a reçu à Espelette, le prestigieux prix  Edmond  Rostand 2008 couronnant l’ensemble de son œuvre. Paulette Courtin recevant le prix Edmond Rostand en 2008

                                                    Paulette recevant  à Espelette le prix Edmond Rostand en 2008


       Transmettre le flambeau.

 Elle aurait pu se contenter de gérer  sa carrière d’artiste. C’est bien mal connaître celle qui,  pendant toute sa vie, a rayonné par son altruisme. Aussi, avec son amie Jacqueline, sous l’égide de l’Etrave, revue des arts et des lettres, crée-t-elle, en 1998, un concours de poésie intitulé les Jeux floraux de l’Atlantique pour promouvoir en Charente-Maritime l’amour des Belles Lettres et donner leur chance aux écrivains en herbe de toutes  générations. Organisé l’an passé à Azureva  à Ronce les Bains,  la treizième édition aura lieu le dimanche 27 Juin 2010 à la salle des fêtes d’Arvert.

  Ce parcours montre à l’évidence que Paulette qui, dès l’âge de cinq ans, échappe à la vigilance de ses parents pour aller danser à la Chaumière, est une femme pleine d’optimisme et d’énergie qui continue à croquer la vie à pleines dents.

  C’est sans doute  son poème  Sur le chemin de ma vie qui la définit le mieux :

                                        

                         Sur le chemin de ma vie,                    

                         J’ai eu bien des embûches                   

                         Mais, chaque fois je me suis dit          

                         Il ne faut pas que tu trébuches           

                         Et j’ai regardé bien plus loin,               

                         J’ai mis  de côté le passé

                         Puis avec force et avec soin,

                         Un autre univers j’ai créé.

 

                         Pourquoi laisser les souvenirs

                         Manger le cœur, dévorer l’âme

                         Pour créer un autre  avenir

                         Il faut le regarder bien en face,

                         Il faut se regarder bien en face.

 

                         Sur le chemin de ma vie,

                         Il y a eu bien des larmes.

                         Mais chaque fois je me suis dit

                         Ne montre pas ton drame.

                         Il y a bien un autre chemin

                         Tu étais passée à côté.

                         Tu auras d’autres lendemains

                         Plein de joie et de félicité.

                        

                         Pourquoi laisser les souvenirs

                         Manger le cœur, dévorer l’âme

                         Pour créer un autre  avenir

                         Il faut le regarder bien en face,

                         Il faut se regarder bien en face.

 

                        Sur le chemin de ma vie,

                        J’ai rencontré tant de misères

                       Que chaque fois je me suis dit

                        Il y a tant de choses à refaire

                        Et parfois j’ai tendu la main

                        En oubliant mon cœur blessé

                        En offrant même presque rien

                        J’ai retrouvé de ma fierté.

 

                         Pourquoi laisser les souvenirs

                         Manger le cœur, dévorer l’âme

                         Pour créer un autre  avenir

                         Il faut le regarder bien en face,

                         Il faut se regarder bien en face.

                                                                                             Daniel Chaduteau.   26  mars  2010

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
25 juin 2010 5 25 /06 /juin /2010 14:58

                                             La Chaumière : un établissement légendaire.


chaumière (56)

 

                  La chaumière  dans les années 30 appelée ainsi car certains de ses bâtiments  sont couverts de chaume

 

              Quand on arrive au rond-point  qui figure l’entrée de Ronce les bains, on a deux choix possibles: prendre à gauche pour emprunter l’avenue de l’Océan ou aller tout droit et suivre l’avenue de la Chaumière. Pour les personnes qui n’ont pas connu Ronce avant les années 70, le nom de cette avenue n’évoque rien  sinon peut-être la chanson fameuse : «  Il pleut, il pleut bergère, presse tes blancs moutons, allons sous ma chaumière… » Pour tous les autres, c’est exactement l’inverse tant il est porteur de souvenirs indélébiles.

 

chaumière (180)

                                                        Groupe d'enfants devant le théâtre de verdure dans les années 30

 

               Des débuts prometteurs.

              En 1921,  Camille Daniel qui a donné son nom à l’avenue  prolongeant, comme il se doit, celle de laChaumière jusqu’à la place Brochard, crée cet établissement qui  tire son nom sans doute du fait que certains de ses bâtiments, souvent des kiosques, sont couverts de chaume. Il  comprend à l’origine un petit restaurant et surtout un théâtre de verdure. Ce dernier acquiert très rapidement ses lettres de noblesse. Artistes lyriques et de variétés, troupes d’amateurs et de professionnels s’y succèdent et attirent un large public qui  se presse sur la grande dune qui le surplombe et offre une vue imprenable.

 chaumière (177)

                      Nombreux public sur la dune surplombant le théâtre de verdure où sont donnés des spectacles variés

 

 

                La famille Soubise.

             Deux ans plus tard Monsieur René Soubise et sa femme Aimée qui ont quitté Châtellerault,  achètent à Monsieur  Camille Daniel l’ensemble des locaux qu’ils embellissent et agrandissent. Ils se répartissent les tâches. René s’occupe de la gestion et règne sur la cuisine, Aimée se charge de l’accueil, de la salle et s’attelle au maintien de l’ordre. Sa petite fille Liliane n’a pas oublié les coups de sang de sa grand-mère : «  C’était une femme trapue au  caractère bien trempé qui n’hésitait pas à intervenir en cas de problème. Quand  débutait une bagarre, elle allait s’interposer, prenait son air méchant et ordonnait aux belligérants de quitter sur le champ son établissement. » Les nouveaux propriétaires sont aidés par  Monsieur Pierre Bouyssous qui restera pas moins de vingt cinq ans à leur service.

chaumière (215)

 

                                                     Mr et Mme Soubise les propriétaires. A leur gauche, leur fille Simone

 

              La même année 1923, sur des terrains qui lui appartiennent,  le véritable mécène qu’est Camille Daniel  trace une route  à l’entrée de Ronce   menant à la Chaumière qui,  en très peu de temps,  devient un restaurant coté d’une capacité de trois cent couverts. De toute la région et même au-delà, pour un mariage, une communion, un baptême, un repas d’affaires,  on vient déguster ses spécialités et plus particulièrement, les soles chaumières  (soles de choix dorées au beurre des Charentes et garnies d’huitres frites au goût de noisette) ou les homards  dont la présentation et la mise en scène très originales imaginées par Monsieur Soubise attirent l’œil, font saliver le gastronome et surtout alimentent le bouche à oreille. Les vins sont au diapason de la cuisine. Plusieurs centaines de bouteilles vieillissent dans une cave d’exception qui se trouve à même le sol sablonneux, cave creusée par les Soubise en personne;  tant et si bien  que leur patronyme  restera  indissociable de la Chaumière pendant  quarante cinq  ans.

         chaumière (227)

                                            Monsieur Soubise devant un char dhar de homards de sa composition

 

 Le dimanche 19 mai 1935 par exemple, c’est  l’Union Nationale des Combattants, section de La Tremblade et le Congrès régional de la Seudre et des environs qui y banquètent. Au  menu : huitres, hors d’œuvres variés, homards, noix de veau braisée au porto, petits pois Commandant Foch, salade, fromages, entremets, fruits ; le tout arrosé de Bordeaux blanc 1927, de Fronsac 1928, de Mousseux, sans oublier le café et le Cognac.  

               chaumière (185) C’est à juste titre que cette même famille  peut se vanter sur ses affichettes de réclame, comme on le dit à l’époque, que c’est  dans un cadre élégant la maison la plus ancienne.  Pourtant une demi journée est nécessaire pour parcourir les soixante kilomètres qui la séparent du chef-lieu la Rochelle. En effet il faut pour la clientèle,  dont la majeure partie ne possède pas encore de véhicule à moteur,  emprunter deux autobus puis prendre le bac à Cayenne pour traverser la Seudre et continuer le trajet  à pied ou à vélo  pour rejoindre cette espèce de jardin d’Eden, rendez-vous branché de la jeunesse d’avant-guerre. Car outre son restaurant et son théâtre, elle dispose d’un des plus vastes dancings de la région ouvert de vingt deux heures à deux heures du matin. Il n’ y a guère que le Café de Paris qui se trouve Avenue Gabrielle (actuelle Place des roses) qui lui fasse concurrence. L’établissement rêve également d’ouvrir un casino ; les tables sont achetées, les croupiers engagés dont Monsieur Beucler marchand de chaussures  à La Tremblade mais les notables de Royan et de Pontaillac font capoter le projet, comme l’affirme avec amertume  soixante dix  ans plus tard  Simone Magnan la fille de la famille Soubise.

  chaumière (26)

                                    Le vaste dancing de la Chaumière où tant de générations se sont succédé

 

          Une parenthèse inéluctable.

                 Seulement la deuxième guerre mondiale  va freiner l’expansion de la Chaumière que les officiers allemands ne répugnent pas à fréquenter. L’un de leurs spectacles préférés est la prestation offerte par Rigoulot l’haltérophile champion olympique considéré comme  l’homme le plus fort du monde qui soulève une énorme bonbonne pleine d’eau à bout de bras et qui ramène, lors d’un tir à la corde,  six hommes placés de chaque côté  de lui.  Liliane se souvient  qu’un médecin  d’Outre Rhin lui a même soigné les doigts que son frère lui avait coincés dans une porte. Du haut de sa maison natale Mary-Madeleine où vit toujours sa mère, elle n’a pas oublié non plus la parade insolite donnée  par les soldats qui s’entraînent, en chantant, à marcher au pas de l’oie sur la place Brochard ni l’arrestation d’un employé de  son père (véritable peur de sa vie) en représailles à l’exécution de deux soldats allemands perpétrée par des membres des FFI.

 

            Un établissement très en vogue.

                  Après la guerre, la Chaumière retrouve le lustre qu’elle n’a jamais complètement perdu et une programmation à faire pâlir d’envie  les plus grands cabarets. Agé seulement de 17 ans, le mime Marceau s’ y produit  et donne déjà  un aperçu de son talent en imitant Charlot. Goulebenèze fait son show en racontant des histoires en patois devant un public conquis. Le jazzman Django Reinhardt, l’accordéoniste Etienne Lorin, l’humoriste Piédalu, l’orchestre d’enfants de Jojo Benotti, récemment disparu, les chanteurs Gina Flora et Alain Nancey sous contrat chez Barclay, les grandes formations parmi lesquelles  celle de Michel Airaud et ses cinq solistes  du salon  de la télévision et du club Europe n° 1, Georges et Mado, duettistes burlesques, parents du grand acteur que fut Patrick Dewaere, animent les soirées ronçoises dans les années 50- 60 et la liste n’est pas exhaustive. On va jusqu’à laisser  chanter un jeune débutant qui campe avec quelques amis. Son nom : Daniel Guichard.  Quant à l’acteur Alfred Adam, l’inoubliable boucher Emile Barberot du film de Jean Delannoy Maigret tend un piège avec Jean Gabin et Annie Girardot, il prend pension avec sa fille à la Chaumière avant de se rendre acquéreur d’une villa à l’angle de l’allée d’Ugine.

chaumière (98)

                       Photo dédicacée de Mme de Fontenay,Miss  Elégance qui a défilé à la Chaumière dans les années 50

 

                Mais la palme revient sans  conteste à celle qui porte le couvre-chef le plus fameux de France, Geneviève de Fontenay qui, avant de présider le comité miss France, défile  en tant que Miss élégance. L’élection de miss Ronce sous le parrainage de miss France voire de miss Europe qui se déplacent à la Chaumière pour l’occasion draine la grande foule. La miss France de l’année 66 remporte notamment un vif succès. Il faut dire que cette ancienne miss Charente est en quelque sorte «  la régionale de l’étape » vu qu’elle enseigne les mathématiques au lycée Marguerite de Valois d’Angoulême. chaumière (103)

              Liliane garde comme de précieuses reliques les maillots de bain en satin bleu portés par les reines de beauté, qu’elle a reçus en cadeau, ainsi que des timbres de l’ancienne URSS que lui a ramenés de Moscou un trompettiste noir devenu ambassadeur de son pays africain. chaumière (32)

                                 Terrasse ombragée où avaient lieu apéritifs - concert et bien d'autres animations

 

             A midi,  pendant la saison estivale, un apéritif concert se tient sur la tonnelle de  la terrasse ombragée. Liliane a les yeux qui brillent encore quand elle évoque un de ses plus beaux souvenirs : le moment où elle a joué le concerto de Cimarosa, avec un premier prix de conservatoire. Cette séquence magique a peut-être été déterminante pour sa vocation. Après avoir débuté le piano avec sa  grand-mère dès l’âge de cinq ans, elle poursuit ses études musicales à La Rochelle auprès de Madame Gress, sœur du célèbre peintre Picabia, avant d’obtenir son diplôme au conservatoire national de Rochefort pour devenir professeur de piano.

            Certains après-midi, Mademoiselle Jagou et son amie Marcelle Rully  (Lolotte pour les intimes) jouent les animatrices pour les enfants qui participent à un radio-crochet, sorte d’école des fans avant l’heure.

            Enfin, une fois par semaine, Monsieur Paul Marquette projette un film dans une salle de restaurant ou dans le dancing. Ainsi, le  27 août 1959, les cinéphiles peuvent voir le film  L’homme et l’enfant   de Raoul André avec Eddie et Tania Constantine.

            Bref pour parodier une célèbre publicité, il se passe toujours quelque chose à la Chaumière surtout quand le maire de Royan, Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères du Général de Gaulle, Jean Noël de Lipkowski   l’honore à plusieurs reprises de sa présence pour des réunions publiques ou des dîners privés.

   30Chaumière 08 71

                                                   La Chaumière dévastée par un incendie (photo M. Buraud)

 

         La nuit tragique.

            Eté 71. Monsieur et Madame Soubise ont quitté leur activité depuis deux ans. Ils ont mis leur affaire en gérance et se sont retirés en face de la Chaumière dans leur villa Lil’mich de l’autre côté de l’avenue de Beaupréau. Dans la nuit du 5 au 6 août, c’est le drame. La Chaumière est en flammes. La cause du sinistre ne sera jamais connue. Les Soubise qui n’ont pas été  réveillés  n’ont pas  la douleur de voir disparaître le labeur de toute  une vie. A sept heures ce vendredi matin, Monsieur Buraud, l’un des élus  de La Tremblade prévient  leur fille Simone et son mari ainsi que leurs  enfants qui découvrent avec stupeur un spectacle de désolation. Quelques années plus tard, avec l’accord de Madame Magnan, un promoteur  achète l’emplacement et réalise un projet immobilier.

           A part l’avenue qui porte  toujours son nom, d’anciennes cartes postales ou de vieilles photos, il n’existe plus aucune trace de la Chaumière mais il est très aisé de retrouver l’endroit précis de l’établissement phare de Ronce  pendant des décennies. Il suffit d’avancer jusqu’au carrefour le seul qui soit réglementé par des feux (terrible ironie du sort.)  Il occupait un vaste  rectangle : la grande salle de restaurant donnait sur  l’avenue de la Chaumière du bar actuel jusqu’à l’agence immobilière. La grande terrasse, avec son gigantesque bar et le dancing spacieux dans son prolongement se situaient  sur l’avenue de Beaupréau de l’agence jusqu’à l’allée des Vignes.

          chaumière (45)      La Chaumière dans les années  50. A droite l'affiche du film  sorti en 1948 Trafic à Saïgon avec Alan Ladd et V. Lake


             Bien-sûr la Chaumière n’est pas le phénix, elle ne renaîtra pas de ses cendres mais sa fin tragique et prématurée lui a procuré une dimension mythique. Si une page est tournée, le livre d’or de la mémoire collective n’est pas près de se refermer. De toute façon  Madame Simone Magnan, qui est née avant la création de la Chaumière, qui a suivi et accompagné toutes les étapes de son développement, a passé le flambeau à ses enfants Liliane et Michel,  ce qui ne l’empêche pas,  les jours de marché, de passer et repasser en  tirant son caddie devant le lieu qui lui rappelle sa jeunesse. En fait, sans doute inconsciemment, elle ne cesse de veiller d’un œil attendri, comme le ferait une sentinelle bienveillante, sur le fantôme  de l’établissement  le plus emblématique de Ronce les Bains.  

 

                                                                           Daniel Chaduteau.      20 novembre 2009

Partager cet article
Repost0
24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 18:59

 

Jeannette et sa Pergola de Ronce les bains.

 

 

 

         Madame Jeannette Trijaud, née pendant la première guerre mondiale est une des plus anciennes figures de Ronce les bains. Elle affirme  d’emblée : «  Je n’aime pas le bord de la mer » mais cela fait tout juste soixante ans qu’elle habite à deux cents mètres de la plage. Comment cette native de Cognac s’est-elle retrouvée sur la côte ? Parce que sa sœur Micheline pour des raisons de santé avait besoin, comme on le disait à l’époque, du bon air de Ronce, vanté des décennies plus tôt par le fameux Docteur Brochard. Six mois après, elle était guérie.

 

Pergola (5)

           La villa Nemorin qui va devenir La Pergola avenue de Saint-Martin

 

 

                   Séduits par la beauté de cette petite station balnéaire, les Cognaçais s’y installent. Le frère de Jeannette, René Trijaud, après avoir travaillé comme chauffeur dans l'entreprise Miglierina/Déola crée à son tour une entreprise de maçonnerie. Le reste de la famille achète une grande bâtisse de style colonial qui donne d’un côté sur l’ Avenue de Saint-Martin,  appelée autrefois Némorin et de l’autre sur l’allée Hélène (de Saint-Martin), nommée Villa Estelle.

 

               Le début de l’aventure.

                         

                    En 1949, c’est l’ouverture de la pension de famille la Pergola* à l’emplacement de l’hôtel Maumusson transformé récemment en appartements. Rappelons qu’un autre restaurant en bois portant un nom similaire se situait avant guerre à l’entrée de la plage de la Cèpe  sur le terrain de la villa Malubie.

 

Pergola (4)

La première Pergola en bois avenue de la cèpe dans les années 30. A gauche trois cabines de bain

 

                     Après rénovations, la Pergola qui offre six chambres, apparaît très vite comme un établissement incontournable au même titre que la Chaumière. Sa réputation, ce qui peut prêter à sourire de nos jours, lui vient,  de la présence des premiers, baby-foot, billards américains et autres tables de ping-pong dans la cour bétonnée. L’engouement est tel que les propriétaires inventent un système de bouliers  multicolores pour réserver les différents jeux. Ils organisent également des tournois  et les gagnants repartent avec bouteilles de champagne et bourriches d’huitres.

 

Pergola (11)

 Tennis de table, billard américain et baby-foot  sur la terrasse de la Pergola .

 

                      Autre nouveauté devant la pension, l’arrêt de bus Citram (Chausson) qui donne la possibilité aux estivants et aux ronçois de faire l’aller-retour Ronce Bordeaux dans la journée (départ 7 heures, retour 19 heures.)

 

           Enfin, le dimanche, garés à l’ombre des platanes dont certains subsistent toujours, plusieurs autocars y déversent des dizaines de personnes de tous âges. Dans la cour sous les tonnelles qui embaument le chèvrefeuille,  on leur sert apéritif et paniers repas. Elles n’ont qu’une hâte, c’est de découvrir, les yeux ébahis, pour la première fois de leur vie la mer dont elles ont tant entendu parler. Les plus téméraires vont louer à Monsieur Couloux les canoës en bois qui trônent sur le sable à côté du blockhaus. Douillettement installés sous leur tente, les habitués des bains de mer lorgnent, d’un œil amusé, les femmes endimanchées d’un âge certain qui arpentent les pieds dans l’eau la plage, tenant d’une main plus ou moins ferme la robe ou le jupon de peur qu’il ne se mouille.

 

Pergola (9)

Le bus Citram garé sous les platanes devant la Pergola assurant la ligne Ronce- Bordeaux

 

               La douceur des années 50.

 

        Dans la salle près de la grande cheminée, les pensionnaires sirotent les apéritifs en vogue à l’époque, le «  Picon parce que c’est bon », le Byrrh et surtout le «  du beau du bon Dubonnet. »

La mère de Jeannette s’occupe des fourneaux, le cuisinier lui ayant rapidement fait faux bond, son beau père de la cave située dans le garage qui jouxte la salle du restaurant. Quant aux filles, elles assurent le service.

Pergola (15)

     A  gauche Marguerite la mère de Jeannette, elle-même, son beau père Mr  René Rousseau et sa  demi-soeur MIcheline.

 

           La petite entreprise ne connaît pas la crise et fonctionne  à plein régime si bien qu’en 1953 on retrouve la Pergola dans le guide Michelin. Etant ouverte de Mai à Octobre tous les jours jusqu’à minuit, elle a su  fidéliser sa clientèle. Les pensionnaires qui louent souvent deux ou trois semaines deviennent pratiquement des amis de la famille, ne regardent pas à la dépense, mais jamais,  le jure Jeannette, ne sombrent dans un état d’ébriété. Un panneau à l’entrée rappelle qu’il est strictement interdit de servir un homme soûl, qu’une tenue correcte est exigée, que les femmes  ne doivent pas s’exhiber en bikini. De toute façon, les gendarmes charentais  de Montignac  qui ont élu domicile  pour la saison de l’autre côté de l’avenue  à la Villa Pourquoi pas ? à l’instar de ceux de Saint-Tropez ouvrent l’œil et le bon.

 

Pergola (19)

     

   Il règne une franche bonne humeur dans ces années cinquante. Les fanfares comme la Musique Fleurie d’Arvert  ou celle des pompiers de La Tremblade défilent assez fréquemment dans la vaste Avenue de Saint-Martin. La danseuse  Magdalena,  la chanteuse Freda Betty, sœur du compositeur Henri Betty, célèbres en leur temps, font leur show à la Pergola.

 

           Pendant près de vingt ans, la famille Trijaud maintient le cap. Déjà le client est roi. « Les nappes et les serviettes en papier, ce n’était pas notre affaire  » dit-elle. Elle ne se souvient pas que la pension ait connu de problèmes majeurs. A peine consent-elle à évoquer quelques exemples de tentative de grivèleries comme l’histoire de cette femme de médecin qui, ayant réservé deux chambres pendant quinze jours en pension complète, fut obligée de régler sa note, ce qu’elle refusait, sous contrainte de l’huissier. Qui plus est, la notification nominative de justice fut affichée au syndicat d’initiative pendant  huit jours. Autres temps, autres mœurs !

Plus tard, Micheline tiendra une petite épicerie avenue de Beaupréau à l'emplacement actuelle de la Pharmacie.

 

Pergola (8)

        La pergola aujourd'hui disparue précédée d'une petite pergola en bois.

 

               Un repos bien mérité.   

 

                Maintenant Jeannette coule des jours tranquilles  juste à côté du lieu où elle a passé les meilleurs moments de sa vie dans un superbe chalet comme on disait au début du siècle. Celui-ci, d’ailleurs est répertorié dans l’ouvrage Les plus belles maisons de la côte de Beauté.  Monsieur Edmond Chagnoleau, qui était architecte, avait offert cette villa de style oriental à son épouse Jane. En empruntant les deux initiales de leur prénom, il l’appela Edja.

               Bien qu’elle ne soit pas née à Ronce, Jeannette ne tarit pas d’éloges sur sa patrie d’adoption et se réjouit que les résidents à l’année puissent enfin bénéficier d’un point poste et d’une épicerie.

               L’âge n’a pas de prise sur Madame Trijaud. Elle a gardé le dynamisme et l’enthousiasme de ses vingt ans à l’image de Maud  de la pièce Harold et Maud. Elle force l’admiration car les nombreux drames entre autres le décès de Micheline dans un accident de la route qui ont jalonné sa longue vie  ne l’ont jamais abattue.

               Son énergie, elle l’a trouvée dans la foi. «  La prière m’a toujours suivie » avoue-t-elle. La gentillesse, l’opiniâtreté, le charisme naturel font de cette femme une personnalité exceptionnelle.

Jeannette s'est éteinte à son domicile le 24 juin 2013. Ses obsèques ont eu lieu en Charente en l'église de Gourville.

 

 

 

 

                                                                                    

Jeannette devant son domicile en août 2007

Jeannette devant son domicile en août 2007

* Petite construction de jardin,faite de poutres horizontales en forme de toiture, soutenue par des colonnes, qui sert de support à des plantes grimpantes.

Daniel Chaduteau

Partager cet article
Repost0
24 juin 2010 4 24 /06 /juin /2010 10:20

               

L’indémodable billard japonais de Ronce les Bains.

 

 

 

             A l’exception de la plage de la Cèpe, il existe un lieu incontournable  à Ronce, c’est la place Brochard dont le nom rend hommage au célèbre docteur qui, avec la publication en 1862  Des bains de mer à La Tremblade,  a très largement contribué à l’essor de  la station. La place de mai à mi-septembre est investie par les forains qui proposent de multiples attractions. Parmi elles, une vraiment originale : le billard japonais.     

La place Brochard Années 50.Derrière la presse,le stand attractions diverses, emplacement du billard japonais. Années 60
La place Brochard Années 50.Derrière la presse,le stand attractions diverses, emplacement du billard japonais. Années 60

La place Brochard Années 50.Derrière la presse,le stand attractions diverses, emplacement du billard japonais. Années 60

Messieurs Anchan et Henrich, les propriétaires de ce jeu ont chronologiquement précédé Monsieur Pierre Archambeau. Ce dernier qui l’a tenu sur la plus grande période, pas moins de trente trois ans, profite maintenant de sa retraite à Arvert avec son épouse Huguette.

Un homme débrouillard.

D’une famille d’ostréiculteurs, Pierre part à Lille à la fin des années soixante faire la vente de ses coquillages, ô combien succulents, et, pendant l’été, il change de métier et anime, avec sa famille, le billard. Celui-ci est installé jusqu’en 1969 sur la gauche de la place dans le prolongement du syndicat d’initiative et de la maison de la presse. Il passe ensuite à droite et jouxte encore de nos jours la confiserie.

A l’origine, l’attraction ne dispose que de huit billards auxquels il faut ajouter un bateau téléguidé, trois lance-nougats, une roue de la fortune, déjà, pour laquelle on utilise une roue de vélo et un avion. On vous offre des nougats ou on distribue les points gagnés qu’on peut additionner pour obtenir un cadeau plus substantiel.

Quand Monsieur Archambeau devient propriétaire, il repère une annonce du journal inter-forain, rejoint la région de Laval, et là, se rend acquéreur du lot de billards qu'il convoitait dont l’estampille en cuivre prouve la qualité . Vu que le nombre de billards a doublé, il abandonne assez vite bateau, avion et autre roue qui sont sujets à de nombreuses pannes mécaniques et dont la gestion est trop complexe.

Pierre vit alors dans une caravane en bois installée sur un châssis de camion à côté du stand de la même matière. Mais comme ce stand ne répond plus aux normes de sécurité et devient potentiellement dangereux, il est remplacé au bout de trois ans, en 1972, par une structure métallique fabriquée maison.

A droite en blanc,la structure métallique du billard japonais

A droite en blanc,la structure métallique du billard japonais

Des règles simples.

La règle du jeu n’a pas connu de changements depuis sa création. Le joueur dispose de 8 boules qu’il doit loger dans les trous aménagés à cet effet. Deux autres un peu plus larges cerclés de blanc constituent des chausse-trapes dans lesquelles disparaissent les boules qui, bien-sûr, ne sont pas comptabilisées. Au début, elles tombaient dans un filet, mais en 1997, Monsieur Pierre invente un système de tiroir qui lui apparaît plus fonctionnel pour les récupérer et pour juger la performance du joueur. Chaque boule placée vaut 40 points. Une ligne blanche tracée sur le billard à 60 centimètres marque la limite que la main ne doit pas dépasser. Deux plaques positionnées sur les côtés indiquent, l’une, si le billard est libre (même renseignement que sur un taxi) l’autre, le nombre de parties restant à jouer. L’argent est récupéré par une espèce de raclette semblable à celle des croupiers. Le prix toujours dégressif suivant le nombre de parties achetées passe de 20 centimes dans les années 60 à 1 € aujourd’hui.

L'enfilade des billards japonais

L'enfilade des billards japonais

Les lots au début sont modestes. Monsieur Anchan peint en personne les tableaux qu’il offre. Le succès aidant, Monsieur Archambeau doit s’approvisionner en lots, en achetant services de linge et de vaisselle dans le Nord où il a gardé des contacts. Il complète son stock auprès d’un grossiste de Saujon et d’une grande surface spécialisée.

Un tiers de la recette est redistribuée en nature. Encore maintenant, chaque joueur a la possibilité de choisir, selon le nombre de points acquis, son cadeau. Il peut également consulter la liste des récompenses et cibler l’objet de ses vœux. C’est ainsi qu’un grand-père est venu jouer pendant la saison estivale tous les après-midi pour offrir à chacun de ses cinq petits enfants une pendule électrique qui lui avait tapé dans l’œil.

 Un jeu d'adresse pour petits et grands

Un jeu d'adresse pour petits et grands

Un jeu indémodable...

Pourquoi donc le succès de ce jeu ne s’est jamais démenti ? Les raisons sont multiples. D’abord il s’adresse à tous « de 3 ans (des tabourets sont à la disposition des enfants) à cent ans » comme continue à le dire Monsieur Archambeau. En second lieu, comme on l’a vu, les règles sont d’une simplicité biblique. Il n’y a pas de temps imparti si bien que le joueur n’éprouve aucun stress. Il faut également faire preuve de dextérité. On se lance des défis individuels ou le plus souvent collectifs. Enfin c’est un plaisir des sens pur que de toucher cette boule de chêne et de l’entendre rouler. Bref tout cela en fait un jeu entièrement manuel, familial et intergénérationnel qui convient aux vacanciers passionnés qu’ils soient connus comme Isabelle Mergaud, les Nains de Fort Boyard ou anonymes.

Avant de changer de place,le billard se trouvait derrière le manège circulaire à droite

Avant de changer de place,le billard se trouvait derrière le manège circulaire à droite

Mais le succès, c’est bien connu, attise la jalousie. En mai 1997, alors que le stand est en gardiennage près du pont de la Seudre, il est la cible d’un incendie criminel ; un produit inflammable, retrouvé sur les lieux, en apporte une preuve irréfutable. Immense est la tâche de Monsieur Archambeau pour refaire à l’identique la plupart des billards calcinés. Pendant plus de 15 jours, il faut la collaboration étroite d’un menuisier, d’un charpentier de marine et d’un tonnelier pour réaliser les billards composés d’une seule pièce en chêne et pour trouver la température adéquate au cintrage du bois.

La place Brochard réaménagée dans les années 80

La place Brochard réaménagée dans les années 80

.. et bien de chez nous.

L’apparition du billard japonais n’a aucun lien avec l’importation et l’introduction des huitres nippones crassostrea gigas en 1970 bien postérieures à la création de ce jeu d’origine française issu du jeu de La Bagatelle lui-même dérivé du Trou Madame dont parle Rabelais dans Gargantua dès le XVIème siècle. On ignore pourquoi il s’est appelé ainsi ; peut-être parce que le joueur à l’instar de chaque compétiteur japonais doit rester zen et maître de ses gestes. Toujours est-il que ce jeu très en vogue dans la première moitié du XXème siècle inspire les Anglais. Ces derniers, après avoir incliné la planche et y avoir planté des clous pour dériver une boule propulsée par un mécanisme à ressort, inventent le Tivoli, ancêtre du premier flipper qui voit le jour en 1947.

Ce qui est rassurant, c’est que, grâce à Florent et Sylvie Sanchez, successeurs depuis six ans de Monsieur Archambeau, le billard japonais perdure sur la place Brochard. Les mardi, jeudi et dimanche à 11h 30 des tournois sont organisés sur les 29 pistes disponibles. Ce jeu, introduit à Ronce juste après la seconde guerre mondiale, est sans doute l’un des plus anciens de la côte de Beauté, ceux de Saint-Palais et de Châtelaillon ayant cessé de fonctionner. Il garde un charme suranné qui le démarque de tous les jeux virtuels, numériques ou électroniques actuels. Il continue de fasciner petits et grands.

Christelle Sanchez entourée de ses parents.Derrière eux, les nombreux lots à gagner

Christelle Sanchez entourée de ses parents.Derrière eux, les nombreux lots à gagner

Quant à Monsieur Archambeau, ne soyez pas surpris de le retrouver en tant que bénévole lors d’une kermesse ou autre fête derrière ses billards, sortes de reliques auxquels il a consacré les plus belles années de sa vie.

Mr Archambeau à la kermesse d'Arvert en 2007

Mr Archambeau à la kermesse d'Arvert en 2007

 

Daniel Chaduteau Octobre 2009

Partager cet article
Repost0
11 juin 2010 5 11 /06 /juin /2010 14:07

 

 

                                 Christian : l’agent immobilier qui monte au filet.

 


 

       De nombreuses agences immobilières ont vu le jour à Ronce dans les années, cinquante- soixante. Pour mémoire citons l’Agence Amie, avenue de l’océan, l’Agence Berger allée des chênes verts, l’Agence Chagnoleau, l’ Immobilière Atlantique et Select Agence toutes les trois avenue de Beaupréau. La plupart d’entre elles ont à ce jour disparu.  La plus ancienne est assurément l’Agence Jagou  avenue Gabrielle. Une autre agence occupe l’emplacement de l’ Agence Jagou mais la notoriété de cette dernière était telle que nombreux sont encore ceux qui continuent à l’appeler comme avant.

 

  Villa des Acacias à droite l'épicerie au début du siècl

                                                 Villa Les Acacias..A droite, l'épicerie au début du siècle dernier

 

   Un véritable coup  de foudre pour Ronce.


        Monsieur Jagou, médecin à Tonneins en Lot et Garonne vient passer ses vacances à  Ronce avec son épouse et ses enfants. Ils tombent sous le charme de la toute nouvelle station balnéaire et  font construire en 1890 la maison Les Acacias  toujours visible dont la façade donne sur l’allée Gabrielle. Plus tard  l’année  1908  voit l’édification d’une annexe qui agrandit la villa qui longe  également  l’allée 7. Toutes les allées en effet qui partent de l’avenue Gabrielle pour rejoindre la mer portent un numéro impair. Celles en revanche qui commencent de la même avenue pour rallier vers l’est  l’avenue de Beaupréau  portent un numéro pair. Les premières actuellement ont pris majoritairement des noms d’oiseaux ; l’allée 7 est devenue par exemple l’allée des goélands. Les autres sont désignées par des noms de fleurs ou de plantes.

 

Agence crée par Léon Jagou en 1921

                                                        L'agence fondée par Léon Jagou en 1921. A droite Léon Jagou.

 

 

 

 

     Une famille qui ne se laisse pas abattre.

       Mais le malheur vient durement éprouver cette famille. Le docteur Jagou meurt prématurément. Son épouse se retrouve bien seule à Tonneins pour élever ses trois enfants.   Aussi décide-elle de venir habiter Ronce avec sa progéniture et comme il faut bien vivre, elle crée  une épicerie dans la partie droite de sa villa. Arrive la première guerre mondiale. Son fils Léon, y est gravement blessé. Lourdement handicapé (il a perdu une jambe) il abandonne  l’épicerie, la transforme  en  agence immobilière et en cabinet d’assurances  en 1921 en  lui donnant son nom et son prénom et la dirige jusqu’à sa mort survenue en 1933. Toujours tiré à quatre épingles, il devient très vite une figure locale.

La troupe des Rigolards.Au centre Jean Roy en commis troupi

                                           La troupe des Rigolards. Au centre Jean Roy en comique troupier

                                                                 A sa droite Léon Jagou, fumant la pipe.


  La pipe au  bec, un léger embonpoint, des cheveux d’ébène et surtout de splendides bacchantes le rendent facilement reconnaissable d’autant plus qu’il est un des acteurs de l’animation ronçoise des années 20. C’est ainsi qu’il est membre de la fameuse troupe des Rigolards qui se produit au théâtre de verdure de la Chaumière.

 

 

 

Marcelle Rully devant l'agence dans les années 30.Au fond

                          Marcelle Rully devant l'agence dans les années 30. Au fond, les fameuses chaises longues.                       

 

   Tel frère, telle sœur.


       Sa sœur Colette Jagou et une de ses amies Marcelle Rully avec qui elle s’est associée  prennent la suite et  vont plusieurs décennies durant, faire croître la réputation de l’agence.  Pour atteindre leur but, elles n’hésitent pas à utiliser une publicité agressive pour l’époque : de grands panneaux d’affichage qui fleurissent aux entrées de Ronce. De plus  celles qu’on appelle déjà les Sœurs Jagou ne répugnent pas avant guerre, d’attendre les clients, dans des chaises longues installées au soleil sur la terrasse. Quant aux musiciens des différentes fanfares qui, venant de la place Brochard remontent l’avenue Gabrielle jusqu’au Grand Chalet, ils n’oublient jamais de s’arrêter face à l’agence sachant que les  demoiselles de Ronce précédant en cela celles de Rochefort ne vont pas lésiner sur les bouteilles de mousseux qui leur seront servies pour étancher leur soif. C’est dire qu’on retrouve ces deux femmes dans bon nombre de projets  très divers, que leur dynamisme force l’admiration et qu’elles deviennent, elles aussi, à l’instar de Léon des personnalités marquantes de la presqu’île d’Arvert.

 

 

GetAttachment

 

   Du changement dans l’agence.


     Après guerre, l’agence connaît une véritable  révolution. Ces dames de la côte qui ignorent la signification du mot parité se voient contraintes pour des raisons d’expansion économiques d’engager en quelque sorte un jeune loup dans la bergerie en ce début d’année 1963. Dieu merci, l’employé n’est pas un inconnu. Son grand père,  pharmacien Place du Temple à La Tremblade, a en son temps fait parler de lui. Alors qu’il conduit dans les années 20 une voiture électrique, il percute une vache. Sans trop de dommages, il  repart à la grande stupéfaction des témoins car ceux-ci ignorent que le moteur se trouve à l’arrière. Il est aussi propriétaire de  plusieurs villas de la fameuse allée 7 : Le grand gosse,  Le petit gosse et Le loupiot. La première change de nom  quand, dans les années 90, le prêtre Armand Carré s’en porte acquéreur. Il l’appelle  Ictys en hommage à Jésus. Іχθυς en grec ancien signifie poisson, symbole des premiers chrétiens parce que ses cinq lettres sont les initiales des mots suivants : Jésus-Christ fils du dieu sauveur. Le prêtre, parti en Angleterre, a vendu la maison repérable aujourd’hui par les fresques du mur de clôture.

 

   Mais revenons à notre jeune loup, Christian Roy, pour ne pas le nommer, qui ne va pas évoluer dans un univers  si impitoyable que cela car s’il est vrai qu’il est le seul et cinquième élément dans un bureau où règnent en maître  plusieurs femmes, elles sont depuis longtemps des amies de sa famille ; tant et si bien que lorsque Mademoiselle Colette Jagou  décède en  novembre 1975, il s’associe à son tour avec Marcelle Rully et devient pleinement responsable de l’agence à sa mort en 1994. En 1998, il cède l’agence à Monsieur et Madame Pinchot.

 

      Dans les semaines qui viennent, il est plus que probable de voir  renaître Avenue Gabrielle le nom de la plus vieille Agence ronçoise.

 

 

 

 

Le tennis privé du Grand - Chalet                                             


Le tennis du Grand Chalet

   Une paire d’authentiques sportifs.

  Quel trait d’union peut-il y avoir entre  une agence immobilière et les tennis de Ronce ? A priori  aucun. Cependant le chaînon manquant n’est autre que Christian Roy qui passe une retraite heureuse avec son épouse Odette dans sa villa Pomone. Jean, son père, a commencé à jouer au tennis avec Monsieur Bodit  de Cognac sur la place Brochard.  Au bout de la place, la terre est tassée mais ne ressemble en aucun cas à un court en terre battue ; les trous et les cailloux favorisent les faux rebonds ; les lignes tracées par les apprentis joueurs n’ont rien de réglementaire ; le filet est rudimentaire ; le grillage n’existe pas si bien que les joueurs doivent récupérer les balles dans la mer ou dans la villa voisine l’Ermitage.  Plus tard Jean ira jouer sur le court privé du Grand Chalet. Il transmet à son fils la passion pour ce sport, passion qui va pouvoir s’épanouir avant guerre grâce à la construction de deux courts en terre battue sur un terrain appartenant à Monsieur Proust   à l’emplacement actuel de la Résidence des Algues.

   Christian participe à son premier tournoi à l’âge de douze ans. Au lycée Grand Lebrun de Bordeaux, le hasard ou un signe du destin le fait côtoyer les frères Jauffret. Avec fierté  il avoue qu’il était 200ème joueur français mais  ajoute tout de suite qu’à cette époque peu de joueurs étaient classés ce qui n’empêche pas le jeune  homme de participer au tournoi de Rolland Garros en 1949 à seize ans en simple et d’atteindre les quarts de finale en double.

 

 

Ronce tennis golf (2)

        Années 60.Tennis municipaux. Deux tennismen accomplis: de dos Christian Roy au fond son père Jean

 

                                                                                               

 

  Un endroit où il fait bon vivre

 

  Au début des années 50, Ronce s’agrandit sensiblement. Jusqu’en 1965  les sportifs se donnent rendez-vous aux tennis. Certes les conditions d’accueil n’ont rien d’un palais princier, elles sont même spartiates. Un baraquement  fait office de vestiaires et de buvette. Un jet d’eau sert à arroser les courts mais les douches sont aux abonnés absentes.

 

  On oublie trop maintenant  que ce ne sont pas les structures mais les  hommes  qui créent la convivialité. Parmi eux deux experts, le père Frahier, gardien des tennis  mais dont le nom est inséparable du barbecue qu’il allume matin et soir et qui fait frissonner d’aise les narines des plus anorexiques. Le commis de son  fils, propriétaire du restaurant Le petit navire, vient dès qu’il le peut lui livrer  viandes et poissons  prêts à être grillés. Monsieur d’Auzac qui n’a pas cédé à la mode du short mais continue à porter un élégant pantalon blanc cassé est lui aussi un bénévole très actif. Après la plage, dans ce lieu de rencontre, on se retrouve en famille ou entre amis  pour faire une partie de boules dans les allées au fond des courts.

 

 

  Le tournoi du mois d’août.


    Le point d’orgue de la saison, c’est le grand tournoi du TCR qui se déroule  la deuxième ou troisième semaine d’août et dont les finales ont lieu aux alentours de l’Assomption. Non homologué par la FFT, il est ouvert à tous. Si les classes d’âge n’existent pas, on tient compte néanmoins des classements. Les courts sont bien-sûr réservés pendant toute sa durée.  C’est pour gagner la coupe que les gens s’inscrivent  car les primes n’ont pas cours sur les courts de Ronce. Pour ce faire, les bénévoles ont fait le tour des commerçants de Ronce et de La Tremblade pour glaner lots en nature et bons d’achat. Christian reçoit ainsi en cadeau sur une seule année pas moins de  huit  bouteilles de…vinaigre offertes par les sociétés Fuchs et Conte, bouteilles qu’il réussit à échanger en partie contre d’autres remplies d’un liquide moins amer distillé différemment

 

de gauche à droite Michel Laruelle Christian Roy Jean-Pier

                                       Les 3 mousquetaires, M. Laruelle, C. Roy,J.P Penquer'ch et P Archat.


  Un  spectacle très couru.

   Dans le tableau se croisent  estivants,  autochtones et quelques habitués de la côte de Beauté. Au fil des ans tout le monde se connaît ce qui, à la fois,  exacerbe les rivalités et renforce les liens d’amitié. Les jours de finales, le pourtour des tennis est noir de monde. La finale du double messieurs attire un large public car elle donne lieu à des joutes homériques dignes de celles des Atrides surtout quand Christian Roy et son père Jean affronte les adversaires héréditaires de la villa Ave Maria les Berton  de Quimper, les Tallieu de La Tremblade ou les Tessier  pour ne citer qu’eux. Parfois la partie reste  encore indécise entre chien et loup. Le pauvre arbitre bénévole en entend des vertes et des pas mûres.  Les clameurs d’une foule en délire retentissent dans tout Ronce  et couvrent  la sonorisation poussive  du  petit cirque en plein air qui s’est installé non loin sur la Place desl écoles. Les nerfs des joueurs sont mis à rude épreuve mais quand le match s’achève, la tension retombe vite. Chacun se congratule, va trinquer avec la paire d’amis retrouvée,  et  rejoint  sa villa où  une douche réparatrice l’attend. La remise des prix se tient traditionnellement à la Chaumière.

  Christian  garde en mémoire la blague imaginée  par un de ses amis Pierre Wiehn  qui lui offre comme récompense une œuvre d’art en fer forgé représentant des arêtes de poisson pour souligner la bonne humeur proverbiale du compétiteur  qui avoue  avec franchise détester perdre sur un court. A ce sujet voici ce que relate un journal local d’août 1959 : « Le double messieurs était le point d’interrogation de ce tournoi. Roy père et fils allaient-ils remporter un titre à Ronce, leur classe indéniable n’allait-elle pas être desservie par l’humeur et la nervosité  de cet excellent joueur qu’est Christian Roy ? Non. Celui-ci restant calme et pondéré, plaçant des balles admirables et croisées, smashant à tour de bras sur les lobs un peu courts de Monsieur Tessier permettait à l’entente familiale de vaincre la paire Berton- Tessier. »

 

                            Monsieur Henri Paris devant le court couvert portant son no

                                                             Mr Henri Paris devant le court qui porte son nom.

 


  Un club en pleine forme.


     Après 1965 les tennis ont migré à l’entrée de Ronce. Madame Lavergne préside maintenant à la destinée d’un club qui comporte douze courts dont trois couverts mis à la disposition de 200 licenciés  et des 260 adhérents. Six clubs de jeunes, un de Bretagne et les autres de la région parisienne  viennent y suivre un stage pendant les vacances de Pâques. Monsieur Henri Paris, ancien marin pêcheur de la Tremblade qui a la charge de trésorier et qui assure également l’accueil  a pris la succession de Monsieur Tallieu et de Madame Blois.

 

  Si l’envie vous dit d’aller échanger quelques balles, ne soyez pas surpris d’entendre les cris de rage ou de bonheur de Christian pour qui la passion tennistique  ne s’est jamais démentie. Il continue chaque semaine  à vouloir envoyer ses adversaires au tapis sans se départir de son éternel sourire.

 

                                                                                                      Daniel Chaduteau.                   15  Janvier 2010.

Partager cet article
Repost0